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L’étiquette diagnostique : une réflexion déontologique et humaniste.


Depuis que je m’intéresse à l’ACT (acceptance and commitment therapy) et à ses théories sous-jacentes (RFT, thérapies processuelles transdiagnostiques…), bien que je n’en sois humblement qu’aux balbutiements de sa compréhension substantielle, cela remet énormément en question et en perceptive ma pratique clinique.

En fait, le manque de souplesse psychologique peut être retrouvé dans la quasi totalité des troubles psychiques (dépression, TOC, TAG, mais aussi au niveau du neurodéveloppement : dans le TDAH, les TOP, TDDE, TSA, Schizophrénie….). Si alors un symptôme n’est pas pathognomonique, comment peut on définir un trouble comme une entité diagnostique isolée? Même si le DSM 5 se veut davantage dimensionnel et moins catégoriel, il n’en reste pas moins un outil rigide avec une vision dualiste (par opposition au monisme) un symptôme = un traitement. N’aurions nous pas à gagner en efficacité en s’intéressant davantage à la fonction du symptôme, c’est à dire qu’est ce qui le maintien (processus étiopathologiques ), plutôt qu’à sa topographie (présentation clinique) ?

De ce fait on obtient des injonctions de traitement, pour tel trouble, il faut telle PEC (ex: pour les TSA des groupes d’entrainement aux habiletés sociales, pour la dyspraxie de la psychomotricité, pour le TDAH de la remédiation cognitive etc.)

Mais qu’en dit le « patient », c’est à dire l’individu ? Peut être que le TSA ne souffre pas de ne pas jouer avec des « copains » dans la cour de récréation ?

Oui le TDAH manque de motivation aux devoirs et à s’investir en classe… mais comment sont proposés les apprentissages ?

J’en viens à un autre point épineux : la pédagogie différenciée. Perçue comme une recommandation de la MDPH, cela devrait être l’essence même de l’éducation nationale.

Chaque individu se développe et apprend de manière singulière peu importe qu’un manuel tel que le DSM étiquette « trouble » ou non.

Malheureusement actuellement, si pas de dossier MDPH pas de PAP, pas d’aménagements (bien sûr je caricature un peu, mais dans les faits pas tant que ça). Sauf qu’en tant que neuropsychologue, nous participons à ce cercle vicieux infernal, nos évaluations mettent en évidence des troubles, qui justifient des adaptations, nous nommons ces troubles et nous voilà donc complices du système.

Or, quand je vois un trouble de l’attention massif, bien-sûr je me dis « cet enfant là impossible qu’il suive sa scolarité, en tout cas « primaire-collège » sans un traitement médicamenteux ». Les exigences en classe sont telles qu’évidemment rester assis 8h sans avoir le droit de dessiner, de gesticuler, de parler, est contre nature, j’ai envie de dire pour n’importe quel cerveau d’ailleurs. Mais seulement, certains se sont compliés , conformés, conditionnés mieux que d’autres et le vivront mieux.

Alors voilà, encore un compte-rendu où je vais conclure que « Je pense qu’il serait pertinent d’envisager avec le médecin la mise en place d’une PEC pharmacologique si la fatigue cognitive est trop présente et/ou que les résultats scolaires chutent. » Sauf qu’aujourd’hui je suis en dissonance cognitive avec ce que je prescrits qui va à l’encontre de mes valeurs et de ce que je vis cliniquement avec mes petits patients et leurs familles. Parce-que ces mêmes enfants, dans un autre milieu d’apprentissage, avec un enrichissement et des méthodes différentes n’auraient pas « besoin » de ces traitements.

Bien-sûr le diagnostic peut soulager, déculpabiliser, amener de la compréhension, dans un premier temps. Mais il y a bien souvent un effet pervers, le revers de la médaille, du saint Graal diagnostic: la passivité, le fatalisme et la négation dans sa compétence à résoudre un problème et à appréhender le monde avec adaptabilité : « c’est pas ma faute j’ai un TDAH »; « il ne pourra pas suivre en générale avec sa dyslexie » ; «je prends pas le risque d’apprendre à conduire avec ma dyspraxie » « il est dépressif alors je fais à sa place ça lui demande trop d’énergie », « avec son TSA je prends les RDV pour lui car il n’aime pas le téléphone » et ainsi de suite .

Je tiens à préciser que ne suis bien-sûr pas anti-traitement médicamenteux, les effets sont parfois plus que salvateurs, et parfois nécessaires, mais avant-tout je souhaiterais replacer le patient en tant qu’acteur de son suivi, dans une démarche d’empowerment, avoir le choix…se rapprocher du fameux « consentement libre et éclairé ».

Si on laissait chaque individu se développer à sa façon, si on lui laissait le temps et le choix : quelle matière étudier, à quel moment et de quelle manière, expérimenter, se questionner, se tromper. Si tout le monde était plus souple - et l’adaptabilité n’est-ce pas ce qui définie l’intelligence ? - le monde se porterait mieux, et le DSM deviendrait comme nos bons vieux annuaires téléphonique au mieux un réhausseur pour enfant.


Aurélie

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