🌈 psy LGBTQIA+/kinky friendly🌈 : label or not label ?

En ces temps sombres, me voilà dans un conflit de valeurs : choisir entre la cohérence épistémologique et une prise de position militante, la psychologie étant politique.

Dans le courant du contextualisme fonctionnel, est vrai ce qui fonctionne pour un individu à un instant donné, alors je vais choisir de (ré)agir en direction de mes valeurs…de l'action engagée à la psy engagée, il n’y a qu’un pas.

En effet, au niveau de mon paradigme théorique, je me situe dans une approche transdiagnostique et processuelle, ainsi qu’a-ontologique (il n’y a pas de vérité absolue, elle est contextuelle) et non pas dans une approche catégorielle. C’est-à-dire que je recours à une vision universelle de ce qui cause « la psychopathologie » (la souffrance psychique). Cette vision au-delà du catégoriel est le manque de flexibilité (c’est la notion de processuelle).  La rigidité psychologique étant le symptôme commun (c’est la notion de transdiagnostique) à tous les troubles psychologiques. Donc, d’une part dans ma clinique exit les étiquettes diagnostiques qui ne sont donc pas fonctionnelles, elles n’indiquent pas grand chose de ce qui fait souffrir la personne (pour cela on ne s’intéresse pas tant à la topographie mais à la fonction du comportement et donc en terme diagnostic plutôt que de cocher la présence de critères nous allons faire une analyse de contingences du comportement : antécédents et conséquences de celui-ci, pour en déterminer la fonction et donc ce qui le maintien).

D’autre part nous ne devrions pas avoir besoin de nommer, la diversité est un des processus évolutionnistes (variation- sélection-rétention) qui est possible grâce à la flexibilité. Par ailleurs, nommer est un processus d’apprentissage dit relationnel (relations d’équivalences). Il s’agit du matching to sample qui est l’apprentissage de la discrimination en science du comportement (tout simplement l’apprentissage du « pareil vs pas pareil »). Une fois le matching d’acquis, l’humain a pour spécificité l’apprentissage dérivé. Le langage se développe par la création de réseaux relationnels. Par exemple, à partir de la couleur « Rouge » je pourrais dériver ce réseau de relations : Rouge = attention=> alarme incendie=> feu=> pompiers=> catastrophe=> peur. C’est par cet apprentissage (aussi appelé apprentissage symbolique) que nous cadrons (percevons) le monde qui nous entoure. Donc, à partir du moment où nous nommons il y a de la comparaison (pareil/pas pareil) et automatiquement le cerveau dérivera un réseau relationnel qui sera propre à chacun en fonction de son histoire d’apprentissages (le même mot pourrait alors déclencher : Rouge =  ketchup=>sang=> pompiers=> feu =>calendrier sexy. Parfois le cerveau dérive tellement vite qu’il peut faire des raccourcis, ce qui, dans cet exemple, pourrait très bien faire que la vue du ketchup déclenche une excitation sexuelle, c’est que l’on appel de la transformation de fonction).

Ainsi, après des discussions mouvementées avec des collègues psychologues analystes du comportement, il m’a été reproché qu’en labelisant (nommant) je participe à la stigmatisation. Épistémologiquement nous l’avons vu c’est alors vrai (matching). Mais, dans la réalité clinique les patient.e.s se sentent davantage en confiance et plus enclin à consulter un.e thérapeute qui indique clairement sa sensibilité (car justement elleux dérivent aussi des relations à partir de ces mots, c’est ainsi que par exemple la simple vu d’un 🌈 sur la page internet du.de la psy déclenchera la pensée = « je n’aurais pas besoin de dire que je suis Queer et je pourrais parler librement de ma sexualité et je serais comprise dans mes obstacles du quotidien » ).

Alors face à la montée exponentielle des actes d’homophobie et de transphobie ; face à l’histoire de la psychiatrisation de certaines orientation sexuelles, identités de genre et/ou d’expressions des sexualités/pratiques sexuelles (notamment le BDSM) qui est encore très présente chez des soignant.e.s qui ne sont pas à jour des connaissances scientifiques, et face à l’invisibilisation massive d’un part de l’humanité (en moyenne environ 0,39 à 2,7% de la population générale est constituée de personnes trans ou non-binaires), je pense aujourd’hui qu’il est nécessaire d’offrir un espace safe et secure aux patient.e.s que l’on souhaite accompagner et cela commence par un label sur une porte, cette porte qui est déjà parfois bien difficile à franchir.

Enfin, nous pourrions aussi poursuivre cette discussion avec un autre effet lié à la labélisation qui est le risque de développer un « Soi contenu » cristallisé (à l’opposé d’un « soi contexte » qui est l’un des processus psychologiques qui constituent l’hexaflex ACT) tant chez le.la thérapeute que chez le.la patiente. Mais si ce Soi contenu permet d’agir en direction des valeurs, le label agit alors comme un augmental. L’augmental qui fait partie des 3 types de règles qui gouvernent nos comportements et que l’on pourrait dire de manière simplifié qu’il agit comme un renforçateur langagier.

N'hésitez pas à commenter peut-être que mon point de vue sera amené à contextuellement évoluer, j’accepte aussi les feedbacks correctifs ;)

Bibliographie :

·       Beyond the DSM: Toward a Process-Based Alternative for Diagnosis and Mental Health Treatment S. Hayes; S.Hofmann( 2020)

·       Pepping, C. A., Lyons, A., & Morris, E. M. J. (2018). Affirmative LGBT psychotherapy: Outcomes of a therapist training protocol. Psychotherapy, 55(1), 52–62. https://doi.org/10.1037/pst0000149

·       La sexologie clinique : une pratique psychothérapeutique inclusive et intégrative. Denise Medico . Pu De Quebec Sante 3 Mars 2022

·       De-pathologizing BDSM: Towards an Integrated Kink-Affirmative Acceptance and Commitment Therapy Model. Ferenchak, Sloane. Widener University ProQuest Dissertations & Theses,  2022. 29212056.

·       JusticeTrans, & Marcoux Rouleau, Alexis. (2024). Comprendre et combattre le mouvement anti-trans au « Canada » un guide pour les communautés trans et nos allié.es. 10.13140/RG.2.2.24890.20164.

·       L’affirmation de genre des jeunes trans et non binaires en Suisse romande. Denise Medico, Charlotte Pellaton et Adèle Zufferey. Med Sci (Paris), 39 2 (2023) 157-163. DOI: https://doi.org/10.1051/medsci/2023016

·       Rumbaugh DM. Emergence of relations and the essence of learning: a review of Sidman's Equivalence relations and behavior: a research story. Book review. Behav Anal. 1995 Fall;18(2):367-75. doi: 10.1007/BF03392726. PMID: 11539166; PMCID: PMC2733722.

·       Murray Sidman, Martha Willson-Morris, Barbara Kirk. Matching-to-sample procedures and the development of equivalence relations: The role of naming. Analysis and Intervention in Developmental Disabilities. Volume 6, Issues 1–2, 1986, Pages 1-19, ISSN 0270-4684, https://doi.org/10.1016/0270-4684(86)90003-0

·       John O. Cooper - Timothy E. Heron - William L. Heward (2023) Analyse Appliquée du Comportement. ABA Online Editions.

·       https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/220427/dq220427b-fra.htm 

·       Villatte, M., Villatte, J.L. and Hayes, S.C. (2019) Maîtriser la conversation Clinique: Le langage en thérapie. Malakoff: Dunof. 

·       https://www.youtube.com/watch?v=GffO3Ca34Qo&t=31s&ab_channel=PrJean-LouisMonest%C3%A8s 

·       Harte C, Barnes-Holmes D, Barnes-Holmes Y, Kissi A. The Study of Rule-Governed Behavior and Derived Stimulus Relations: Bridging the Gap. Perspect Behav Sci. 2020 May 21;43(2):361-385. doi: 10.1007/s40614-020-00256-w. PMID: 32647787; PMCID: PMC7316874.